Instants d’un futur qui traverse le pont du présent

VI – Je me suis mis à écouter le fleuve

Qu’il est long
Le chemin de ta rencontre.
Mon désir
Vêtu de fièvre
Est un midi sans ombre.
Sur le vide
Il y a la corde tendue pour les pas de l’amour. Traverse-la vite.
Elle risque de se rompre.
Quand je te verrai
La route parcourue
Me semblera si courte
Si nous n’avons jamais assez l’un de l’autre.
Hier encore devant moi
S’ouvraient les bras de la plaine
Les bras du delta.
L’air y était immobile
Le soleil en éclats.
Les mains de l’Indus
Aux doigts de marais
Aux anneaux de rizières
Caressaient
Douces
Les buffles enfouis dans le silence
Lourd
Vert
Inerte
Où se perdaient mon appel
L’écho de mes pas.
Assis
Près de la colline de Makli
Avec la pleine lune
Au bord de la nuit
Je me suis mis à écouter le fleuve
Jouer
Sur des cordes trop lâches
La musique apprise du glacier
Du sable
De l’herbe sans fin
De ces silences qui chantent
Le mariage de la steppe et du vent
La joie des lèvres qui se rencontrent
En oubliant ceux qui passent
Et… le temps.
Mon regard n’a pas rencontré ton visage.
Ma main
Avec sa caresse
Est toujours là qui attend.
Au matin
J’étais déjà loin de la colline de Makli
Terre des morts
Où la mémoire est devenue pierre
Jouet des enfants.
Un jour nous reviendrons ensemble
Semer dans le riz en herbe
Des coquelicots et des lucioles
Et nous écouterons tressaillir la vie
La musique de notre sang.

Mai 1995